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Connaissez-vous la véritable histoire du crapaud breton surnommé « Toad » ? Saviez-vous qu’elle a débuté au tout début de la Renaissance...


En 1505, par un rude hiver, un jeune crapaud téméraire sortit de terre pour gober quelques mouches. Après avoir guerroyé courageusement, rassasié, il s’allongea pour se prélasser sur les rives de l’étang de Créac’h Gwen. Alors que le sommeil le gagnait, il sentit la terre trembler sous les sabots de chevaux qui s’approchaient. Agacé d’être ainsi dérangé, il ouvrit un œil globuleux. Il se redressa brusquement et sa gorge se gonfla d’émotion, émerveillé par le spectacle qui s’offrait à son œil. La duchesse Anne en personne. Il sut à cet instant avec certitude quel était son destin. Il mettrait sa vaillance au service de la Bretagne. Il émit un croassement viril et puissant pour attirer l’attention. La petite troupe qui se reposait un moment, sembla ne pas l’entendre et continua à vaquer à ses occupations, sans même se retourner. Le crapaud, blessé de cette indifférence ne put se résoudre à retourner sagement sous terre finir l’hiver sans apporter sa contribution à l’essor du duché. Il entreprit de suivre en secret l’équipage de la duchesse lancée alors dans un pèlerinage à travers les provinces de Bretagne. Le voyage fut épuisant pourtant, tout du long, il œuvra pour se rendre utile. La nuit, il se postait près du visage d’Anne et la protégeait des insectes qui tentaient de troubler son sommeil et gobait les importuns qui gâtaient sa nourriture. Mais la duchesse, si elle tolérait aimablement sa présence, ne l’en estimait pas pour autant.


Un jour, le crapaud surprit une hermine, qui s’était faufilée dans les appartements de sa protégée, croquant dans les plus belles de ses pommes et saccageant ses somptueuses toilettes. Il rassembla tout son courage et croassa tant qu’il le put. La duchesse apparut, constata le désastre et le crut responsable. Furieuse, elle l’invectiva et le qualifia de bête nuisible en le chassant de la main puis remarqua l’adorable petite boule de poil blanche qui la regardait d’un air craintif. Attendrie, elle la caressa longuement. L’hermine suivit ainsi l’équipage dans tous ses déplacements, continuant à voler et à détruire sans vergogne malgré les efforts amphibuesques déployés par le crapaud pour l’en empêcher. Non seulement il risqua de finir déchiqueté plusieurs fois dans la gueule de l’animal mais comble d’injustice, on le soupçonna d’être l’auteur des méfaits et on le poursuivit pour le rouer de coups de bâton. Par onze fois, il en réchappa miraculeusement et dut contempler, meurtri et impuissant, la dame flattant la perfide hermine immaculée lovée sur ses genoux. La douleur du pauvre crapaud se faisait chaque jour plus vive de ne point parvenir à lui faire entendre raison. Il s’éloigna de la troupe, trouva un minuscule plan d’eau, bondit sur une feuille de nénuphar et se mit à réfléchir. L’idée lui vint en entendant ses congénères. Il les rejoignit et partagea ses tracas.


L’été pointait enfin son nez, Anne décida d’organiser un grand pique-nique et de magnifiques tables furent dressées. Lorsque les convives voulurent prendre place, l’hermine dont le pelage s’assombrissait depuis quelques temps, se mit à grogner en montrant ses crocs acérés et se rua sur la table pour dévorer les mets délicats. La duchesse et ses sujets tentèrent d’intervenir mais la bête devenue fauve donnait des coups de griffes à tout va et menaçait de se jeter à la gorge de la belle dame. Le crapaud qui guettait patiemment son heure entonna une grinçante mélodie, et l’hermine stupéfaite vit une nuée de crapauds tous plus repoussant les uns que les autres fondre sur lui. Bientôt, il fut submergé par la horde verdâtre et visqueuse. Loin de l’achever, les crapauds d’un commun accord se montrèrent cléments et se dispersèrent, laissant le temps à l’hermine, l’œil trouble et le poil ébouriffé, de prendre ses jambes à son cou pour disparaître à jamais dans les bois. La table était maintenant déserte hormis le persévérant crapaud juché fièrement sur ses pattes antérieures. La duchesse s’approcha de lui, le prit délicatement dans ses mains et le posa sur sa paume. Elle observa longuement son sauveur. Elle lut tant de douceur, de courage, de détermination et de bonté dans ses yeux que son cœur chavira. Elle déposa un baiser affectueux sur son front rugueux en murmurant : « Merci TOAD au grand cœur !»


Le pèlerinage s’achevait et il était temps pour la duchesse de retrouver les siens. Elle chercha le brave crapaud pour lui proposer de rester à ses côtés en fidèle compagnon mais ne le trouva pas. Elle se résigna à prendre la route le cœur lourd de laisser un tel ami derrière elle. Son équipage venait à peine de partir qu’elle aperçut un grand gaillard sur le bord du chemin. En arrivant à sa hauteur, elle croisa un regard empli de bonté et de détermination qui lui parut familier. Elle lui adressa un sourire sincère et le vit s’éloigner à travers champs.


Le crapaud ne se lassait pas d’admirer ses mains rêches et ses jambes fermes encore tout étonné de sa nouvelle apparence. Il songea à tout ce qu’il pourrait accomplir avec cet étrange corps. A l’entrée de la ville de Kemper, il s’arrêta devant une vieille bâtisse abandonnée et décida de s’y installer. Il avait hâte de découvrir quelle nouvelle tâche lui était réservée. Il agrandit la porte afin qu’aucun visiteur ne passe devant sans s’y arrêter et accrocha une belle enseigne qu’il prit soin de peaufiner. Sur un panneau de bois, il avait peint neuf bandes noires et blanches représentant les neuf provinces qu’il avait traversées avec la duchesse. Puis, sur un rectangle blanc, il dessina onze queues noires d’hermine pour toujours se souvenir qu’il avait dû passer par onze épreuves avant que sa détermination ne soit récompensée. Sur le bas du panneau il avait inscrit : « A crapaud vaillant, rien d’impossible ! »

N’importe quoi me direz-vous ? Ce drapeau breton n’a été créé qu’au XXème siècle ! Qui sait ?


KC

Hommage à tous ceux qui ont choisi de se lancer dans la création professionnelle